Atelier d’écriture de critiques cinématographiques 2025

Festival du film d'histoire de Pessac

Depuis plusieurs années, dans le cadre du Festival International du Film d’Histoire de Pessac la DAAC organise un Atelier d’écriture de critiques cinématographiques.

Dans le cadre du Festival International du Film d’Histoire de Pessac, la DAAC co-organise un Atelier d’écriture de critiques cinématographiques proposé aux lycéens de la Métropole Bordelaise.

Festival du film d'histoire de Pessac

Lors de la 34e édition du festival qui s’est tenue du 19 au 24 novembre 2024 mettant à l’honneur « L’Espagne et le Portugal », six élèves des lycées Pape Clément de Pessac, Camille Jullian et François Magendie de Bordeaux, Fernand Daguin de Mérignac et Elie Faure de Lormont, ont été sélectionnés pour participer à l’Atelier Critiques.

Naya ADEKAMBI, Maël DUSSOULIER-MASSE, Maëlle ILCINKAS, Sebastian PACHECO QUINTANILLA, Cassandre POUSSEUR et Karine STEPANIAN ont ainsi endossé le rôle de critiques cinématographiques. Disposant d’une accréditation offerte par le festival, les élèves ont pu assister à de nombreuses projections de films de la compétition fiction dont ils ont rédigé des critiques.

Dans le cadre de l’atelier, les élèves ont développé des compétences rédactionnelles spécifiques à la critique grâce aux conseils avisés d’Emmanuel Burdeau, critique de cinéma, auteur de nombreux ouvrages et articles consacrés au septième art et ancien rédacteur en chef des Cahiers du Cinéma. Les critiques revues et corrigées ont été affichées dans le hall du Cinéma Jean Eustache qui accueille le festival.

« L’Atelier Critique » est encadré par Jean-François Cazeaux et Mateusz Panko, tous deux membres du groupe pédagogique du FIFH et auteurs de Ciné-Dossiers pour le festival de Pessac. 

Mateusz Panko est professeur relai en charge du Cinéma et de l’Audiovisuel à la DAAC.

  • Retours d’expérience

 L'atelier critique du festival du film d'Histoire de Pessac est une expérience unique. Car il s'agit réellement d'un atelier : participants et animateurs partagent une pièce, où les articles sont écrits, lus, commentés, retravaillés ensemble. En quelques jours, les progrès effectués peuvent être considérables. Ces moments de travail à la fois personnel et collectif sont irremplaçables. » Emmanuel Burdeau - critique cinématographique, intervenant dans l’Atelier Critiques de la 34e édition du Festival International du Film d’Histoire de Pessac.

« Cet atelier a été une expérience unique et inoubliable qui ne se reproduira pas deux fois. J’ai beaucoup appris tout en partageant des moments drôles avec une équipe incroyable ! Je repars de cet atelier avec des souvenirs précieux. » Karine Stepanian

SOMMAIRE

Destins brisés

Le courage d’une mère et la fragilité d'une épouse

Un véritable imposteur

Imposteur !

La voix des femmes hier comme aujourd’hui

Une femme d’hier et d’aujourd’hui

L'imposture d’un homme complexe

Le récit d'un mensonge historique

 

Destins brisés

par Karine Stepanian

Emouvant et doux, Au pays de nos frères montre la condition inhumaine de quelques Afghans vivant en Iran.

Dans de beaux paysages iraniens, Raha Amirfazli et Alireza Ghasemi produisent une œuvre aussi déchirante que douce ; par ses décors, ses personnages et ses silences. La caméra des deux réalisateurs expose une humanité confrontée au sacrifice et à la lumière fragile d’un espoir qui ne veut pas s'éteindre. Alliant chanson, danse et drame, Au pays de nos frères se révèle à la fois beau et poignant. Le film nous plonge dans la condition humaine de Mohammed, Leila et Qasem, à travers 3 chapitres qui ont un point commun : montrer la rude réalité de la vie des réfugiés afghans en Iran et les extrémités auxquelles ils sont parfois conduits.

5 millions d’Afghans vivent en Iran. Il s’agit d’une minorité discriminée : ceux-ci doivent vivre en cachette ; dans la peur. Le premier récit se déroule en 2001. Mohammed, brillant élève, est réquisitionné par la police. Très vite, l’attention ambiguë du policier envers le jeune adolescent devient oppressante, voire étouffante...

Le deuxième récit, situé dix ans plus tard, raconte l’histoire de Leila, une domestique vivant chez ses patrons. Un jour elle retrouve son mari, allongé face contre terre. Il est mort. Le troisième récit se passe en 2021, pendant la pandémie de COVID-19, et suit Qassem, un père qui apprend une tragédie, qu’il décide de ne pas confier a sa femme. Son fils, Hamed, est mort. Martyr en Syrie.

Raha Amirfazli et Alireza Ghasemi cherchent à éveiller la conscience du spectateur sur des réalités souvent ignorées. Les réalisateurs osent aborder des sujets rarement traités par le cinéma iranien : le viol des hommes, un tabou encore ancré dans la société. Après avoir ajouté "Tu as de la chance t’es mignon, sinon je t’aurais expulsé directement", le policier ordonne à l’adolescent de se déshabiller et de se changer devant lui. Un véritable enfer sur terre se livre à Mohammed, il n’y a plus d’échappatoire. Le policier se lève et se dirige vers Mohammed pendant qu’il se change : c’est la fin de la scène. Sous une lumière bleutée, il se retrouve assis dans la neige. Le silence lourd qui suit ne laisse aucun doute : il a été victime d’un viol. Ensuite, Mohammed s'empare d'un marteau dans l'atelier de menuiserie. Il se mutile volontairement, afin de ne plus avoir à affronter son agresseur. Ce geste dit tout, sans aucun mot.

Les réalisateurs ont aussi choisi de donner une place centrale à Leila pour illustrer la condition des femmes : leur souffrance invisible et leur force de résistance dans n’importe quelle situation. Revenant de ses courses avec un chien comme fidèle compagnon, elle découvre son mari mort. Elle décide de taire la réalité à ses patrons. La nécessité d’enterrer son mari en cachette la pousse à commettre un geste désespéré. Elle intoxique le chien. Ce geste, cruel en apparence, est en réalité le seul moyen dont elle dispose pour rendre hommage à son mari, comme un dernier adieu à un amour. Elle incarne une mère qui, afin de survivre, doit prendre des décisions cruelles, pour elle et pour son fils.

Qasem, lui, est anéanti par la douleur de la perte de son fils, et la lourde tâche de faire face à cette vérité avec une femme étant sourde. Celle-ci ignore tout malheur et souhaite seulement la venue de son fils. Pensant bien faire, Qasem ne lui dévoile rien sur la mort de leur fils. Pressentant quelque chose de mauvais, la mère décide d'appeler Hamed : mais personne ne répond. Le téléphone est entre les mains de Qasem, dévasté, il décide de tout dire.

Les personnages d’Au pays de nos frères partagent tous un point commun profond : leur quête désespérée de reconnaissance dans un monde qui les met à l’écart, que ce soit par la naturalisation ou dans leur vie personnelle. Chacun à sa manière est lié par le poids des secrets et des mensonges. Tous cachent quelque chose : l’endroit où il se trouvait la nuit dernière, la mort d’un homme à un patron ou encore, la mort d’un fils. Leur souffrance est liée à cette lutte commune pour exister, dans un pays où l’appartenance semble hors de portée. Ce qui frappe aussi, c’est la beauté des décors, qui racontent autant que les personnages. Les lieux sont souvent isolés, presque vides, au bord des plages ou dans l’immensité de la neige, dévoilant ainsi la véritable vie de ces réfugiés afghans qui sont souvent coupés du monde et livrés à eux-mêmes.

Au pays de nos frères ne se contente pas de raconter des histoires ; il nous interroge, et nous invite à la réflexion. Ce film ne laisse personne indifférent : une œuvre grandiose dans sa simplicité qui, sous ses airs de récit minimaliste, révèle une histoire bouleversante. un film qui, par sa simplicité, vous force à regarder ce que l’on préfère souvent ignorer.

Le courage d’une mère et la fragilité d'une épouse

 par Maël Dussoulier—Masse

Je suis toujours là raconte le long combat de Eunice Paiva qui cherche la vérité sur son mari.

L’histoire commence en 1971, alors que le Brésil est gouverné par les militaires. La famille Paiva habite dans une grande maison à Rio de Janeiro au bord de la plage. La vie y est heureuse et calme, jusqu’à ce que les militaires emmènent Rubens Paiva, le père, ancien député, joué par Selton Mello, pour “une déposition”. Plus tard c’est au tour de Eunice Paiva, jouée par Fernanda Torres, et sa deuxième enfant, Elina, d’être emmenées pour “une simple déposition”. Mais au retour de la mère une semaine plus tard, son mari n’est toujours pas revenu. A partir de ce moment, Eunice et ses cinq enfants sont plongés dans l’incertitude et une attente qui n’en finit plus.

 

Le dernier souvenir joyeux avant le départ du père

Je suis toujours là met en lumière des faits réels mais malheureusement non reconnus par le gouvernement brésilien. Fernanda Torres joue de manière admirable le rôle d’une femme qui doit ne pas sombrer dans la tristesse et continuer à élever toute seule ses enfants, tout en essayant de les tenir le plus loin possible des horreurs perpétrées par la dictature. Torres joue une mère protectrice et touchante qui reste debout envers et contre tous. L’actrice fait paraître des émotions, aidée par les nombreux plans généraux où elle est seule dans les grandes pièces de sa maison.

La musique joue un rôle important dans la culture brésilienne. Elle accompagne chaque moment, autant dans la joie du début du film que dans la peur et la tristesse. Elle a un rythme effréné avant le départ de Rubens puis se ralentit petit à petit, au fur et à mesure que l’espoir de revoir le père s’éteint.

La maison est présentée comme le lieu de réconfort de la famille. Elle est hermétique aux maux extérieurs. C’est dans ce havre de paix que la très grande majorité des scènes se déroule, de l’anniversaire de Veroca, l'aînée, jusqu’aux révélations sur les conditions de la détention de l’ancien député. Les photos sont souvent présentes dans le film pour remémorer les souvenirs de la vie avant la disparition du père.

 Je suis toujours là (Ainda Estou Aqui) de Walter Salles. Brésil, 2024. Avec Fernanda Montenegro, Fernanda Torres et Selton Mello. 2h15.

 Maël Dussoulier--Masse, lycée Fernand Daguin

Un véritable imposteur

par Cassandre Pousseur

Le paradoxe d’un imposteur qui utilise le mensonge pour faire éclater la vérité.

Marco, l’énigme d’une vie se base sur l’histoire vraie d’Enric Marco. Pendant une grande partie de sa vie, Enric Marco a réussi à se faire passer pour un ancien déporté du camp de Flossenbürg. Découvert par un historien, son mensonge à été révélé publiquement et est devenu le sujet d’un scandale médiatisé. Cette défaite n’a néanmoins pas découragé Enric Marco, dont l’entêtement ne s’est pas relâché et qui a continué à défendre la cause des Espagnols déportés jusqu’à la fin de sa vie. Les réalisateurs Aitor Arregi et John Garano ont décidé de travailler le personnage avant tout comme un être humain avec sa sensibilité et son mode de fonctionnement propre, au contraire de la vision d’« imposteur » donnée par les médias.

Ne connaissant pas la biographie de Marco, dès le début du film nous avons des doutes sur l’authenticité de son récit. En effet, des indices sont éparpillés afin de nous mener vers la vérité de son imposture. Dans une scène où il cherche à obtenir un document officiel d’attestation prouvant qu’il a bel et bien été un déporté, il semble « ne plus se souvenir » du nom qu’il a donné, ni de son numéro. Le doute s’évanouit cependant et fait place à une certitude, à l’occasion d’un flash-back où le personnage découvre ce qui s’est réellement passé dans les camps de concentration. C’est à partir de ce moment qu’il décide de vouloir faire connaître cette vérité à partir d’un mensonge créé de toutes pièces.

Le personnage, très charismatique, a voué sa vie, son mensonge, à la cause de la vérité. Son but, ou plutôt sa volonté, qui respecte les codes de la morale, est de faire connaître l’horreur subie par les déportés, en particulier les Espagnols. Mais c’est de manière immorale qu’il y parvient. Ce paradoxe est d’ailleurs très bien indiqué dans le titre original du film, qu’on peut traduire par « Marco, la vérité inventée ». Reposant en partie sur sa facilité d’éloquence, l’imposture de celui-ci finit par le rendre antipathique. Il devient alors de plus en plus compliqué pour le spectateur de s’identifier et d’être sensible aux émotions du personnage.

Le film est riche dans sa forme. Les plans, notamment par leur rythme, nous entraînent dans l’histoire comme dans un thriller. L’utilisation du son est aussi mise en place pour créer une ambiance de mystère autour de l’histoire de Marco. Lors de la révélation du mensonge devant ses proches, un plan est particulièrement marquant : la chute du personnage est parfaitement imagée par la chute du plan lorsqu’il quitte la salle. Malgré cette richesse de forme, les multiples ellipses nous perdent dans la chronologie et sont regrettables. De même, les plans font parfois endurer à nos yeux une telle gymnastique que le spectateur en vient à sortir de l’histoire.

Marco, l’énigme d’une vie (Marco, la verdad inventada), d’Aitor Arregi et John Garano. Espagne, 2024. Avec Eduard Fernàndez, Natalie Poza et Chani Martìn. 1h41

Cassandre Pousseur, Lycée François Magendie

Imposteur !

par Karine Stepanian

Surnommé le "grand imposteur", Enric Marco a poursuivi, jusqu'à son dernier souffle, la diffusion de son récit

Eduard Fernández jouant Enric Marco

Aitor Arregi et Jon Garaño font revivre l’histoire d’un homme qui, pendant 30 ans, a menti à l’Espagne entière. Inspiré de faits réels, Marco, l'énigme d’une vie mêle drame biographique et thriller. La force du film est de nous montrer un homme prisonnier de s propre mensonge et incapable de s’en échapper. Cette attitude rend pitoyable, presque sympathique, celui qui est montré d’abord comme un grand fabulateur, racontant à tous son histoire pour gagner admiration et reconnaissance. Partout où il se rend, Enric Marco répète sans cesse le même discours ; il évoque par exemple la voix d’un gardien de camp, qui prophétise un sort tragique aux exilés : ils ne quitteront cet endroit que par cette fumée. Marco, en relatant ces paroles, donne à entendre l'écho de l'inhumanité des camps, s'inscrivant ainsi dans une mémoire collective marquée par la tragédie. Tous ignorent à quel point Marco déforme la réalité ; celui-ci ne cessera de vouloir faire connaître son “horrible” histoire à travers différents films et livres. De 2000 à 2005, Enric Marco a été porte-parole de l’association espagnole des victimes de l’Holocauste. Les journalistes, les étudiants, les politiciens, ses collègues…, tous sont touchés par la manière dont Enric parle des camps de la mort. Frappé par le génocide de la Seconde Guerre mondiale, le protagoniste veut restaurer la mémoire des voix perdues, celles des déportés. Il dénonce et rend vie aux récits des disparus dans des écoles, à l’occasion de conférences… Marco finira par être recon coupable d’escroquerie : il n’a jamais été déporté en camp de concentration. Enric Marco est interprété brillamment par Eduard Fernández, lequel endosse le rôle d’un homme qui fuit le monde réel pour n’être qu’un pur mensonge. Cependant, on ne peut qu'éprouver une certaine empathie pour cet individu, qui, par son action, a su redonner une voix aux 9000 déportés espagnols. Il faut bien le reconnaître, il se dévoue corps et âme pour son association, chaque jour il fait des interventions, pour aider les anciens déportés qui n’ont pu parler de cette histoire faite de douleurs et de traumatismes. Marco aime être au centre de l’attention. Est-ce simplement un complexe, un besoin constant d’attention et d’exister ? Ou serait-ce un mythomane, un être à plaindre qui commence à croire en ses propres mensonges ? Marco est souvent colérique. Il peut être aussi parfois pathétique, lorsque sa crédibilité est mise en doute. Le spectateur bascule entre compassion et indifférence, ne sachant jamais si Enric mérite d’être plaint ou condamné. Lorsque son secret est révélé, Marco ne décide pas de se cacher ; bien au contraire, il décide d'apparaître à la télé pour se défendre ! Marco est un menteur. Certains diront qu’il est narcissique et égocentrique. D’autres penseront que c’est avant tout un homme qui a une faible estime de lui-même. Une scène se détache : Enric Marco, face à un miroir, se perd dans une réflexion qui semble arrêter temps. Le plan rapproché sur son visage, marqué par l’âge et la fatigue, révèle un homme déchiré, entre le désir de maintenir son récit et la peur d’être démasqué une fois pour toutes. La lumière tamisée nous plonge dans un espace où la différence entre la réalité et le mythe s'effondre. Chaque scène, chaque silence, semble porté par le poids des mensonges et des faux souvenirs grâce à des mouvements panoramiques et un usage magistral de l'ellipse qui nous immerge dans des espaces immenses qui dévoilent le contraste entre les récits grandioses de Marco et la réalité bien plus fragile de sa vie. Ces mouvements lents de caméra semblent refléter son besoin d’occup une place qu’il ne mérite pas vraiment. Chaque plan invite à regarder au-delà des apparences. Jusqu’où peut-on déformer la vérité pour exister ? Marco, l’énigme d’une vie confronte le spectateur à la réalité brutale des conséquences que peut produire un mensonge. En s’appropriant une souffrance qui n’était pas la sienne, Marco a privé les victimes de leur véritable voix. En sortant du film, cette étrange impression d'avoir été témoin d'une trahison à échelle humaine et historique à été ressenti par tous les spectateurs. La manière dont certains choisissent de tordre la vérité pour arriver à une gloire personnelle fascine chaque spectateur. C’est un film essentiel pour rappeler qu' ne suffit pas de parler de la vérité, il faut aussi la défendre l'honorer. Il est fondamental de rendre hommage à ceux qui ont été victimes de ce genre de faux récits dont les mensonges peuvent détruire notre société.

 Marco, l'énigme d’une vie (Marco, la verdad inventada), de Aitor Arregi et Jon Garaño. Espagne, 2024. Avec Eduard Fernández, Nathalie Poza, Sonia Almarcha, 1h41

La voix des femmes hier comme aujourd’hui

par Naya Adekambi

 Avec sa représentation d’Olympe de Gouges, le film montre les combats des femmes pendant la Révolution, mais pas seulement.

Mathieu Busson et Julie Gayet, sont deux acteurs, réalisateurs et scénaristes français. Ils ont co-réalisé le film Olympe, une femme dans la Révolution. Ce film, dont le premier rôle est interprété par Julie Gayet, retrace le parcours d'Olympe de Gouges pendant la Révolution française. Ses textes les plus engagés sont mis en avant dans le film.

Les combats d'Olympe de Gouges sont représentatifs des luttes de toutes les femmes. Il est essentiel de mettre en lumière les grandes similitudes de ces combats féministes, qu'ils soient actuels ou historiques. Dans le film, Olympe se montre solidaire avec toutes les femmes, quel que soit leur milieu social. Par exemple, lorsqu'elle est enfermée dans la prison de l'Abbaye, elle encourage les détenues les plus démunies à revendiquer de meilleures conditions. Sa démarche met en avant une idée encore très actuelle : si toutes les femmes ne sont pas libres, aucune ne l'est.

Olympe de Gouges, à travers ses nombreux textes, est également pionnière dans la lutte pour l'égalité entre les sexes. L'une des scènes la montre rédigeant la “Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne” en réponse directe à celle de l’Homme et du Citoyen, qui avait exclu les femmes. Avec ce texte elle revendique la reconnaissance des femmes à part entière.

Le film met également en avant la nécessité de reconnaitre les femmes dans des milieux dits “masculins”. Les scènes où Olympe et ses consœurs se rendent, sans en avoir le droit, au conseil révolutionnaire pour défendre leurs idées sont très marquantes. Elles démontrent la volonté des femmes de s'impliquer dans les affaires politiques, même lorsque la société le leur interdit.

Ces moments sont là pour faire comprendre que la lutte pour les droits des femmes continue. Le film souligne aussi l'importance de la solidarité entre les femmes. Olympe ne défend pas seulement ses propres droits, elle s'engage pour d'autres femmes, qu'elles soient issues de la noblesse ou du peuple. Cette idée de sororité, qui est au cœur du féminisme, est essentielle pour faire avancer la lutte.

Un autre aspect du film est la manière dont il parle des répercussions de la Révolution sur les droits des femmes. Les idées de liberté et d'égalité étaient commençaient à émerger et les ambitions d’Olympe n'étaient pas comprises. Son engagement lui a coûté la vie, mais ses combats demeurent encore. Le film rappelle que les luttes féministes ne sont pas seulement des luttes pour des droits individuels, mais également des luttes collectives qui visent à transformer la société dans son ensemble. Ces combats incluent aussi les hommes. Olympe, une femme dans la Révolution n’est pas qu’un simple biopic. C'est un hommage à une femme qui a réussi à contester les normes sociales de son époque et qui continue d'inspirer les nouvelles générations de femmes aujourd’hui. Le message du film résonne particulièrement dans un contexte actuel où les luttes pour l'égalité et la justice sociales sont plus importantes que jamais.

“Le monde change Olympe est nous emporte avec lui” Olympe, une femme dans la révolution, de Mathieu Busson et Julie Gayet. France, 2024.

Avec Julie Gayet, Dimitri Storoge et Pauline Serieys. 1h30. Naya Adekambi, lycée Elie Faure.

 

Une femme d’hier et d’aujourd’hui

par Maëlle Ilcinkas

Olympe, une femme dans la Révolution reconstitue avec minutie certains épisodes importants dans la vie d’Olympe de Gouges, une femme persévérante et admirable. C’est aussi un film qui nous permet de réfléchir.

Dans ce film historique, Julie Gayet et Mathieu Busson ont choisi de montrer un moment de la Révolution Française à travers le point de vue d’une figure à la fois essentielle et méconnue. Dans un souci de représenter la réalité de manière authentique, les réalisateurs ont gardé certains textes d’Olympe de Gouges tels qu’elle les avait écrits. Ils ont également beaucoup travaillé la précision des costumes et des décors. Gayet et Busson ont intégré au sein de leur reconstitution rigoureuse une partie fictionnelle, afin de combler les lacunes historiques et de rendre leur film attractif.

Le film est centré sur le personnage d’Olympe de Gouges. Le récit adopte une ligne directrice : son emprisonnement à Paris en juillet 1973. Revenant sur certains de ses souvenirs, les flash-backs permettent de compléter l’histoire de cette grande femme en la montrant dans sa jeunesse. Olympe est présente dans quasiment toutes les scènes. Elle est présentée comme une femme droite et qui n’abandonne pas facilement. Le jeu des deux actrices y contribue aussi : on voit dans leur gestuelle et sur leur visage la détermination sans faille qui habite le personnage dès sa jeunesse, mais aussi sa souffrance et sa combativité.

Tout au long du film, on espère la réussite d’Olympe dans ce qu’elle entreprend. De plus, ses actes courageux nous font ressentir de l’admiration pour elle, en plus de l’empathie ce qui nous permet de nous identifier. Ce film fait aussi réfléchir : il permet de répondre à la question « qui sommes-nous par rapport à elle ? » : des héritiers d’Olympe de Gouges et, en tant que tels, nous devons continuer son combat.

Olympe de Gouges à son procès.

Olympe, une femme dans la révolution, de Julie Gayet et Mathieu Busson. France, 2024. Avec Julie Gayet et …. 1h30

Maëlle Ilcinkas, Lycée Pape Clément.

 

 

L'imposture d’un homme complexe

par Naya Adekambi

Ce magnifique film, qui sortira en salle courant 2025, nous amène à réfléchir sur l’importance de la vérité.

Aitor Arregi et Jon Garano sont deux réalisateurs, scénaristes et producteurs espagnols qui ont travaillé ensemble sur plusieurs films. Ils ont co-réalisé notamment Loreak, Une vie secrète ou encore Handia. Marco, l'énigme d’une vie retrace une partie de l’histoire vraie de Enric Marco, un escroc qui s’est fait passer pendant plusieurs années pour un survivant d’un camp de concentration en Allemagne. Il expliquait qu’il faisait partie des rares déportés espagnols. Ce film nous raconte l’histoire de son imposture.

La forme que les réalisateurs donnent à cette histoire nous permet d’avoir un avis assez mitigé sur le personnage de Enric. Le film est construit en plusieurs flashbacks et en allers et retours entre le présent et le passé. Le seul point de vue exploité est celui de Enric.

Le personnage est sûr de lui, charismatique et éloquent quand il parle de son histoire. Bien que faux, ses récits peuvent être touchants. Ceux-ci correspondent en effet à ce qu’ont réellement vécu de nombreuses personnes. Marco se sert de livres de magazines pour développer ses histoires. Il répète de nombreuses fois le moment où les SS disent que les déportés étaient entrés par la porte et qu’ils ressortiraient par la cheminée. Ce qui émeut à chaque fois son public. De plus, ses histoires ont tout de même aidé à porter la cause des anciens déportés espagnols. Les nombreuses apparitions publiques de Marco ont contribué à donner de la visibilité aux vraies victimes.

Tout au long du film, Enric Marco nous apparait comme quelqu’un d’antipathique. Malgré cela, jusqu’à un certain moment on a du mal à se résoudre à le considérer comme une mauvaise personne. C'est le but des réalisateurs qui ont écrit ce film avec l’aide du vrai Enric Marco, mort très récemment. Ce personnage reste touchant grâce à son éloquence mais aussi grâce à sa confiance dans ses mensonges. Même après que son mensonge a été exposé il a continué à se placer en victime.

 Cependant, le personnage de Enric devient de plus en plus détestable. En effet, au début il semble vouloir donner une voix aux victimes en présidant une association pour les anciens déportés. A la fin, il ne veut plus assumer les conséquences de ses actes. Il n’a plus jamais regardé dans les yeux son collègue qui a réellement été enfermé. Il semble surtout vouloir être devant les caméras, ce qui rend son antipathie encore plus visible. À cela s’ajoute le fait qu’il ne s’est jamais excusé, que ce soit auprès de son collègue, de sa fille ou même de sa femme.

 La technique des angles de prise de vue est aussi à noter. La désillusion de Marco quand il comprend que ses mensonges ne peuvent pas perdurer plus longtemps est illustrée par de nombreux décadrages. Ceux-ci sont notables, lorsque Marco comprend qu’il ne pourra pas avoir de preuve qu’il était en camp de concentration. Ce décadrage peut représenter l’état mental de Marco. Il sait à ce moment que son histoire inventée s’arrêtera là. De plus, quand il admet ne jamais avoir été enfermé dans un camp, la caméra tourne sur son axe. Cela peut signifier que tout est très confus pour Marco. Il se met à confondre la vérité et le vraisemblable.

La distinction entre le vrai et le vraisemblable est essentielle. Le "vrai" fait référence à ce qui peut être prouvé ou vérifié. C'est une réalité qui ne dépend pas des opinions ou des perceptions. En revanche, le "vraisemblable" désigne ce qui semble possible sans nécessairement être prouvé. C'est une question de perception et de contexte. Le montage est très rapide. Il est rythmé par plusieurs ellipses, ce qui permet aux spectateurs de toujours être en alerte et de mieux comprendre le personnage et ses émotions. Les nombreux gros plans se focalisent sur les émotions du personnage et les approfondissent pour que l’on puisse le trouver aussi captivant que le public à qui il s’adresse dans le film.

L'affiche prouve encore une fois l’importance des émotions du personnage. Le très gros plan sur le visage de Marco nous aide à comprendre que les émotions seront le centre de cette histoire.

 Cette question est d’autant plus soulignée par le titre original : Marco, la verdad inventada. Ce titre a été changé en français alors que le titre en espagnol est beaucoup plus parlant. La vérité inventée du personnage de Enric est parfaite pour illustrer cela. Comme dit à la fin du film après son mensonge révélé il a passé la fin de sa vie à vouloir démontrer “sa” vérité.

Marco, l’énigme d’une vie (Marco, la verdad inventada), de Aitor Arregi et Jon Garano. Espagne, 2024. Avec Eduard Fernandez et Nathalie Pozza. 1h41. Naya Adekambi, lycée Elie Faure.

Le récit d’un mensonge historique

par Maël Dussoulier--Masse

Marco, l’énigme d’une vie raconte le mensonge d’un Espagnol qui se fait passer pour un ancien déporté.

L’histoire commence en 1999, dans l’ancien camp de concentration de Flossenbürg. Enric Marco, joué par Eduard Fernández, prétend être un ancien déporté espagnol du camp. Pour le prouver, il cherche donc à obtenir un certificat attestant de sa détention. Nous découvrons ensuite ses qualités d’orateur. Marco témoigne devant une classe que nous voyons très émue par un récit pourtant mensonger. Mais Marco va être confronté aux incohérences de sa prétendue histoire par Benito Bermejo, un historien spécialiste de l’Holocauste, joué par Chani Martin. À partir de ce moment-là, le Catalan va commencer à se perdre dans son mensonge.

Enric raconte son mensonge devant des élèves captivés

La manière de raconter cette histoire est intéressante car elle nous montre la grande humanité d’Enric Marco. Son côté menteur ou imposteur, dont beaucoup le qualifient, ne domine pas trop afin de ne pas influencer le jugement du spectateur. Le grand nombre d’ellipses entre 1999 au camp de Flossenbürg et 2005 apparaissent à des moments très bien choisis par le scénariste et apportent une meilleure compréhension de l’histoire. Les images d’archives permettent également de se rendre compte du retentissement qu’ont eu les révélations de Benito Bermejo dans une Espagne qui a du mal à assumer ses déportés dans les camps de concentration et d'extermination nazis. C’est aussi un aspect que la mise en scène exploite de la meilleure façon.

Les émotions des personnages sont largement utilisées et reviennent à de nombreux moments. Leurs sentiments sont très clairement exprimés grâce à de multiples plans durant lesquels s'enchaînent gros et très gros plans. Ce type de plans est surtout réalisé sur le personnage principal et met en valeur la très bonne interprétation d’Eduard Fernández. Ce qui nous montre la tension avec laquelle il vit constamment depuis les révélations de l’historien. Les rotations de caméra lors de ces moments compliqués font paraître la confusion de Marco et le fort sentiment de trahison et d’abandon des vrais déportés qui font partie de l’association des victimes espagnoles de l’Holocauste. Ces moments de tension sont fréquemment suivis de plans depuis un miroir avec de longs silences, qui ont souvent lieu au domicile de l’Espagnol, traduisent aussi sa confusion. Ces différents plans et mouvements de caméras sont utilisés pour éveiller de l'empathie envers Enric Marco. La musique souligne les émotions des protagonistes, composée d’un piano et d’une basse qui accompagnent à merveille les moments les plus importants du film. Par son rythme, elle capte tout de suite l’attention du spectateur. Alors que durant les moments où le mensonge est découvert, le fond est très travaillé pour traduire la complexité des ressentis des membres de l’association ou ceux de la famille d’Enric Marco.

 Le jeu des acteurs ainsi que le travail admirable des équipes confèrent une puissance énorme aux émotions qui traversent l’écran. C’est un film qu’il faut voir sur grand écran car la dimension émotionnelle est impressionnante et nécessaire pour comprendre l’homme et l’histoire qui se cachent derrière le nom de Enric Marco.

 Marco, l’énigme d’une vie (Marco la verdad inventada) de Aitor Arregi et Jon Garaño. Espagne, 2024 avec Eduard Fernández et Chani Martín, 1 h 41 min.

Mise à jour : décembre 2024