Par Pierre Baylet et Edith Maruejouls
Enclavée au nord de Mont-de-Marsan, dans un quartier d’habitat social concerné par la politique de la ville, l’Ecole élémentaire du Peyrouat, en éducation prioritaire, accueille 150 élèves majoritairement issus de catégories socio professionnelles défavorisées. On y compte des enfants nouvellement arrivés en France ou issus de différentes vagues d’immigration et une importante communauté gitane sédentarisée.
L’équipe y est fortement mobilisée : elle n’entend aucunement en rabattre sur les ambitions de l’Ecole. Au contraire. Le projet « L’égalité filles-garçons, ça commence à l’école », né en 2010, part du constat suivant : les filles et les garçons ont des difficultés à se mélanger, ils ont du mal à coopérer dans certaines situations, les rôles assignés aux uns et autres sont sexuellement stéréotypés. Il s’agit d’interpeller les élèves sur leurs représentations de l’autre sexe, de déconstruire certains schémas via des activités culturelles et des jeux. Le projet vise enfin, à travers l’implication des élèves, à mobiliser les parents dans le cadre du partenariat éducatif.
Ces actions, soutenues par la Mission départementale des droits des femmes et par la Cellule académique en recherche-expérimentation, sont co-animées par l’association ALIFS qui participe à la conception et aide à la mise en œuvre du projet par la mise à disposition d’intervenants professionnels. Ce projet reçoit par ailleurs l’appui d’une universitaire (géographe du genre) pour la conception des grilles d’observation et la formalisation de l’expertise.
L’observation des élèves menée dans différents lieux et à différents moments de la journée, a révélé une mixité très variable dans l’espace scolaire. Durant les temps de recréation, le marquage au sol du terrain de football légitime un espace de jeux pour les garçons. Même si la tendance n’est pas au rang mixte, plus on grandit, moins les filles et les garçons se mélangent dans le rang. A partir du CM1, le couple mixte est l’exception. Enfin, plus encore que dans les autres espaces, la séparation des filles et des garçons à la cantine offre l’image figée de groupes sexués étanches.
L’action conduite depuis 4 ans inclut à la fois des débats, des rondes de livres choisis, la théâtralisation de certains ouvrages, la danse, le chant, la photographie, les arts visuels. Ces actions donnent lieu à un spectacle de fin d’année auquel les familles sont conviées.
En ce qui concerne l’usage des espaces de jeux, 3 mesures sont adoptées pendant l’expérimentation : des récréations sans ballon de foot ; un temps de récréation où les adultes sont force de proposition ; enfin, la mise à la disposition des enfants des jeux éprouvés avec les adultes afin de les inciter à prendre l’initiative de jeux coopératifs.
Les enseignant-e-s notent que, lorsqu’ils travaillent à une mixité active, les récréations sont moins conflictuelles. Les enfants ont plaisir à jouer ensemble, à partager des jeux moins stéréotypés tels que le croquet, les raquettes et des jeux de ballon coopératifs. Les conversations initiées en classe avec les enseignant-e-s et un juriste spécialiste des questions d’égalité permettent de libérer la parole et d’offrir une alternative aux discours dominants sur ce « qu’est être une fille et ce qu’est être un garçon ». Bien qu’il soit encore difficile d’impliquer les parents, le sujet de l’égalité filles-garçons entre à la maison par le biais des enfants.
La mobilisation de l’ensemble de l’équipe éducative (personnel municipal et périscolaire notamment) est un horizon à atteindre, mais le bénéfice acquis vaut la peine de l’engagement : une coopération en marche et le bien vivre ensemble comme une évidence.
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Pierre Baylet est directeur de l’Ecole élémentaire du Peyrouat depuis 2000.
Edith Maruéjouls est docteure en géographie du genre, chargée de mission Egalité femmes-hommes à Floirac.
Mise à jour : novembre 2021